Chevaux de légende

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L’incroyable pari de Trêve !

Jamais aucun galopeur n’a réussi l’exploit de remporter à trois reprises le prix de l’Arc de Triomphe. Aujourd’hui, à 5 ans, Treve, double lauréate en titre, court encore, en vue de se préparer pour un record historique…
Ce dimanche 28 juin à 16h15 Trêve sera au départ du Grand Prix de Saint-Cloud. Oh, il ne s’agit pas vraiment d’ajouter une ligne au palmarès, fut-elle celle d’un groupe I somme toute tout de même renommé. Mais de continuer de courir, régulièrement, jusqu’au premier dimanche du mois d’octobre. Car l’entourage de Trêve, dont son entraîneur Criquette Head, pense à un joli coup à réaliser lors du prochain prix de l’Arc. En effet, la course mythique n’a, au mieux, été remporté « que » deux fois par les plus grands champions de l’histoire du galop.
Petit rappel, voici les doubles vainqueurs du prix de l’Arc de Triomphe : Ksar (1921-1922), Motrico (1930-1932), Corrida (1936-1937), Tantième (1950-1951), Ribot (1955-1956), Alleged (1977-1978), et donc Trêve (2013-2014). Que des chevaux fantastiques, de ceux qui font aimer une discipline, qui apportent des sensations, qui font devenir de simples parieurs à la base de véritables supporters sportifs !
Très facile lauréate à deux reprises, Trêve va donc (sauf incident que personne ne souhaite) à nouveau être alignée en octobre prochain. Ce sera loin d’être simple ! Les statistiques sont contre elle. Aucun vainqueur de trois éditions jusqu’à présent, très peu de vainqueurs de 5 ans et plus : Motrico (à 5 et 7 ans), Corrida (sa deuxième victoire à 5 ans), Djebel, Le Paillon, Star Appeal, Marienbad… Les derniers, tous à 5 ans. Le dernier en date, Marienbad, en 2002, le précédent, Star Appeal, en 1975…
Ce rappel historique pour vous faire sentir à quel point c’est compliqué pour un cheval vieillissant d’affronter les jeunes générations. Le pari tenté par Trêve et son entourage est incroyable, il faut rêver…
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Avec Kasper, la statue d’Ourasi n’est plus un projet fantôme

Ourasi, le plus grand champion de trot que la France ait connu avec son record toujours inégalé de 4 victoires dans le prix d’Amérique, va avoir sa statue à Vincennes. J’ai rencontré Kasper, l’artiste qui la sculpte. Il explique comment il s’est imprégné du champion avant de lui façonner son moule, en attendant le bronze.
Si vous étiez spectateur du dernier Grand prix d’Amérique, vous avez lu l’info dans le programme officiel : Ourasi, le grand Ourasi, va revenir à Vincennes, en bronze cette fois. Je vous avais déjà informé de l’engouement des supporters à l’endroit du champion, comme lors de son 30e anniversaire où il avait attiré dans son hameau normand quantité d’admirateurs, venus de partout en France pour le saluer. Ou encore au moment de sa disparition quand, presque aussitôt, était née une page Facebook réclamant qu’une statue soit érigée à son effigie à Vincennes (liens en fin d’article).
KasperOurasi1Cette dernière demande a été entendue par la direction de la communication du Trot. Pour info, un projet similaire avait existé il y a quelques années (du vivant d’Ourasi donc), mais n’avait pu être mené à terme, notamment parce qu’il n’était pas porté par les instances compétentes. Cette fois, c’est le cas. C’est même LeTrot qui régit tout, qui a choisi la date de l’inauguration de la statue, le 22 juin 2014, jour du grand prix du Président de la République. Elle sera dévoilée non pas près du poteau d’arrivée (tout simplement parce qu’il y a trop de monde par là), mais à l’extérieur du dernier virage, en regardant la ligne droite finale, celle de tous les exploits. Un appel d’offres a été lancé par l’Etat, et c’est donc un sculpteur déjà connu dans le milieu hippique, Kasper, qui a été choisi.

Toutes les victoires mentionnées sur le socle de la statue

J’ai donc été à sa rencontre, dans son atelier d’Asnières. L’artiste sait s’y prendre pour statufier les animaux, et en particulier les chevaux. L’atelier en question pullule de modèles, plus ou moins réduits, en tous genres : c’est la passion qui l’anime. Passion du geste, de la sculpture, mais aussi des sujets étudiés à chaque occasion. C’est ainsi que Kasper s’est inspiré des milieux équestres : « Lors d’une réunion équestre, raconte-t-il, j’ai commencé une maquette, devant tout le monde, en prenant comme modèle une jument, Kenia, que l’on m’avait dit ressembler à Ourasi. Je suis parti de cette maquette pour la statue d’Ourasi, que j’ai légèrement grandi au passage : au lieu d’1,65 m au garrot, le ‘mien’ fait 1,80 m. C’est une technique pour rendre la statue plus imposante. Toutes les proportions sont préservées, mais la statue ainsi est magistrale, dominante. Elle sera par ailleurs placée sur un socle de 6 mètres de long sur lequel seront mentionnées toutes les victoires d’Ourasi, et avec une plaque commémorative. La plaque montre un sulky avec Ourasi en action, mais pour la statue, j’ai préféré avoir le cheval seul, qu’il soit magistral, par lui-même. »
Le ‘premier jet’ de la sculpture est en polystirène, Kasper passant une couche de plâtre par dessus, qu’il cisèle ensuite pour les détails. Cette technique permet en fait d’acquérir le contour parfait de la statue, avec lequel un moule sera ensuite confectionné, avant de couler le bronze dans le moule en question et donc d’obtenir la statue de bronze. Quand je suis allé voir Kasper, il était donc en train « d’attaquer » le plâtre, ajoutant sans cesse un détail supplémentaire. Les yeux, me disait-il, avaient juste été posés, mais pas encore réellement faits (que nos lecteurs ne s’inquiètent donc pas s’ils ne reconnaissent pas le regard d’Ourasi sur nos photos, Kasper s’en occupe !).
Pour respecter le côté cabotin et joueur de son sujet, et aussi sa propre sensibilité d’artiste, Kasper pense à des mini détails, que seul un oeil averti (celui de nos lecteurs donc) pourra découvrir. Comme un petit hippocampe qu’il va « cacher » dans un coin, comme un tatouage caché qu’Ourasi n’a jamais eu… Mais je suis sûr qu’il aurait aimé !
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La dernière course de Ready Cash

Ce dimanche 9 février, à l’occasion du prix de France 2014, le champion Ready Cash va courir sa dernière course avant de se retirer au haras. Ce sera un événement.
C’est fini pour les pistes. Ready Cash, énorme champion de trot qui aura marqué sa génération, se retire. L’annonce est catégorique, elle figure entre autres sur le site officiel de Ready Cash (lien en fin d’article). Il va désormais se consacrer à sa carrière d’étalon, déjà formidablement commencée.
Il est donc temps de tirer son chapeau à ce formidable trotteur, en rappelant toute sa formidable carrière. Ready Cash est né le 20 mai 2005 en Mayenne. Le 20 mai, soit très tard dans l’année par rapport aux habitudes : vous savez que les éleveurs essayent de faire naître leurs chevaux le plus près possible du début d’année pour qu’ils soient compétitifs plus vite dans les courses de jeunes, l’âge répertorié pour les inscriptions aux courses étant fixé au 1er janvier. C’est donc de manière d’autant plus méritoire que Ready Cash remporte le premier groupe I proposé aux jeunes, le Critérium des jeunes, à l’âge de 3 ans. Les débuts de Ready Cash sont même carrément tonitruants puisque, sur ses 12 premières courses, il en remporte 11 (une fois fautif). Avec le prix Albert Viel, il remporte son deuxième groupe I à l’âge de 3 ans. Puis son troisième avec le critérium des 3 ans. Un critérium des 3 ans d’ailleurs où il oublie littéralement ses adversaires pour terminer devant, échappé tel un coureur cycliste, alors que le peloton se contentait de sprinter pour la deuxième place.

Le tournant de sa carrière : sa faute dans le critérium des 5 ans

2009, son année de 4 ans, voit chez lui une forme de transition. Ready Cash continue de gagner quelques courses, et toujours plaisamment. Mais parallèlement il lui arrive aussi de décevoir, comme le jour du Critérium continental par exemple. Ce qui n’empêche pas son entourage (il est la propriété et sous l’entraînement de Philippe Allaire) de l’aligner dès 2010, pour ses 5 ans, dans le prix d’Amérique. Il y est l’un des gros favoris, juste derrière Meaulnes du Corta. Beaucoup le voient gagner malgré son jeune âge… Vous connaissez l’histoire, Ready Cash commet la faute très loin du but, tout en montrant ensuite, en retrait, qu’il avait les capacités de battre ce peloton. C’est d’ailleurs l’année où le jumelé gagnant fera sauter tous les records avec la victoire d’Oyonnax devant Quaker Jet. Du coup, cette année 2010 est bizarre pour Ready Cash. Il n’y gagnera « que » trois courses, trois groupes II, et donc pas un seul groupe I. Pour un autre que lui, ce ne serait pas si mal. Mais de sa part, on attend l’excellence. Il montre régulièrement ses capacités, mais rate ses rendez-vous majeurs, à l’image du critérium des 5 ans, où il est à nouveau fautif. C’est d’ailleurs cette « défaite » qui constitue le déclic : Philippe Allaire comprend qu’il n’y arrive plus en tant qu’entraîneur, et même si ça doit lui faire mal, il place son champion à l’entraînement de Thierry Duvaldestin.
C’est le tournant de la carrière de Ready Cash : lui qui était si bon mais difficilement gérable va gagner encore en valeur, et surtout se montrer régulier dans les performances. Après un premier palmarès « jeune » s’ouvre un second, « trotteur d’âge ». Thierry Duvaldestin parvient ainsi à trouver les bons réglages, et rapidement ce nouveau couple va trouver un renfort de poids avec la drive de Franck Nivard. Janvier 2011, Ready Cash a 6 ans. Il n’est pas le favori du prix d’Amérique car beaucoup redoutent son fameux syndrome qui le met à la faute quand l’enjeu est fort, d’autant que ça vient encore de lui arriver dans le prix Ténor de Baune. Il faut dire qu’il y a alors un concurrent suédois, son contemporain, Maharajah, qui est précédé d’une réputation invraisemblable, et qui a donc les faveurs du betting. Cette fois, il n’y aura pas d’outsiders à l’arrivée. Ready Cash déboule en tête dans la dernière ligne droite, Maharajah se déporte dans l’espoir de le doubler, va se rapprocher, se rapprocher encore, mais n’y parviendra pas : Ready Cash file droit, sans broncher, sans jamais risquer de se mettre à la faute. Ce prix d’Amérique vient couronner un immense champion, d’autant que l’adversité était d’une très grande qualité, comme l’histoire de la course le montrera plus tard avec la victoire toute récente en 2014 de ce même Maharajah.

Deux prix d’Amérique

Cette année 2011, à part, au tout début, la faute dans le prix Ténor de Baune, Ready Cash va tout rafler. 8 courses, 6 victoires, une 2e place, et donc la faute. Et encore, la deuxième place, c’est un groupe III à Caen il devait rendre 50 mètres au futur vainqueur. Le prix de France notamment fut de toute beauté, avec à nouveau une arrivée au finish entre Ready Cash et Maharajah, toujours à l’avantage du premier. A l’automne, il y a la série des courses préparatoires au prix d’Amérique, les fameuses « 4B » : Ready Cash remporte les trois premières (les prix de Bretagne, du Bourbonnais, de Bourgogne), mais, début 2012, il ne termine « que » troisième du prix de Belgique (il faut dire qu’il rendait 25 mètres), et de ce fait n’égale pas la série légendaire d’Ourasi.
Nous sommes donc en 2012, Ready Cash a 7 ans. Le prix d’Amérique qui s’annonce l’opposera bien sûr à Maharajah mais aussi, pense-t-on, au jeune Timoko. C’est d’ailleurs ce dernier qui est en tête à l’entrée de la dernière ligne. Mais, trop présomptueux, il va voir passer un drôle de wagon pour finalement terminer 5e. A la tête de ce wagon, Ready Cash ne laisse aucune chance à Roxane Griff et The Best Madrik, Maharajah est quatrième. Une course superbe, là encore avec une opposition de qualité qui renforce la performance. La fiabilité est donc devenue le point fort de Ready Cash. En revanche, derrière ce prix d’Amérique, sans doute fatigué par sa campagne d’automne dans les « 4B », Ready Cash n’est plus aussi dominateur : Royal Dream gagne le prix de France, et Roxane Griff le prix de Paris. En fin d’année, le revoilà cependant, avec le prix d’été, le prix du Bourbonnais et le prix de Bourgogne à nouveau à son palmarès.
Arrive 2013. 8 ans. Le prix d’Amérique. Grandissime favori. Pourtant, le jour J, Ready Cash est « sur des oeufs », un tantinet nerveux. Il subira d’ailleurs une enquête à l’arrivée, mais sans être disqualifié. Pour autant toujours aussi dominateur, il semble avoir semé ses principaux adversaires dès l’entrée de la ligne. Plus exactement, tous, sauf un : Royal Dream le piste, au plus près, et vient finalement l’aligner. Une deuxième place qui montre aussi combien l’opposition à Ready Cash a de tous temps été d’un niveau très élevé, notamment avec les trotteurs de sa génération, décidément exceptionnelle, celle des R en France ou du M en Suède. Pour autant, la valeur de Ready Cash n’est pas en cause. Il remporte d’ailleurs dans la foulée le prix de France puis le prix de Paris. Puis en septembre le prix d’été, qui reste sa dernière victoire à ce jour.
La suite, vous la connaissez, c’est le passé tout récent. Encore favori pour le prix d’Amérique 2014, mais de peu devant Up and Quick, on craint pour Ready Cash qu’il ne voit le leader de la jeune génération le dominer. En fait, pour Ready Cash, il n’y a pas vraiment eu de course. Il n’était pas dans le coup, s’est mis à la faute quand il fallait accélérer… Et l’histoire retient que c’est son adversaire patenté de sa première victoire en 2011, Maharajah, qui l’emporte finalement.

Déjà un champion au haras

Ce dernier prix d’Amérique est bien sûr une déception. C’est pour cette raison que son entourage ne veut pas lui donner le « combat de trop ». Un tel trotteur ne mérite pas de rentrer dans le rang en fin de carrière. Ce dimanche à Vincennes, il courra donc sa dernière course. Attention, il reste tout à fait capable de la gagner !
Un dernier mot sur son autre carrière, celle d’étalon à laquelle il va désormais se consacrer à temps plein. Il excelle déjà puisque ses filles Avila ou Axelle Dark, pour ne citer qu’elles, ont déjà remporter au moins un groupe I. Et que fin 2013, Ready Cash avait déjà été papa 329 fois. Il va s’arrêter, mais on n’a pas fini d’entendre parler de lui !

Ce que nous apprend l’histoire du prix d’Amérique par rapport à l’édition 2014

L’histoire est un éternel recommencement. En puisant dans l’histoire du prix d’Amérique, créé en 1920, on retrouve certaines situations analogues à celles que vont rencontrer les inscrits de la course qui aura lieu dimanche prochain.
Un regard sur les trajectoires, sur les carrières des trotteurs.

Ready Cash façon Ourasi ?

Premier exemple. A qui vous fait penser Ready Cash ? La comparaison avec Ourasi a souvent été avancée, peut-être plus sur les forums ou les réseaux sociaux que dans la presse spécialisée, mais peu importe. Hé bien regardez de plus près la carrière d’Ourasi. Après avoir connu tous les honneurs, il a eu un passage à vide, il était devenu moins dominateur, au point de ne terminer « que » troisième de l’édition 1989 du prix d’Amérique, après trois victoires consécutives. En 1990, lorsqu’il est représenté, il est encore favori, mais moins sûrement qu’à l’accoutumée, on le dit moins imbattable qu’avant, on cherche des outsiders parmi les participants. Et bien sûr, vous connaissez l’histoire, il gagne. Le parcours actuel de Ready Cash fait un peu penser à cette période qu’a connu Ourasi : Ready Cash reste le favori logique, mais il est contesté. Comme les turfistes aiment les grands champions, chacun espère qu’il va pouvoir gagner à nouveau, mais en même temps on lui trouve des outsiders, et parfaitement valables. S’il venait à gagner pourtant, la trajectoire de sa carrière ressemblerait à celle d’Ourasi. Ensuite, pour savoir quel est le meilleur des deux, je sais que vous avez tous des chouchous, je vous laisse votre appréciation. En l’occurrence, c’est le déroulement de la carrière que je commente.

Timoko tel Toscan ?

Autre exemple, celui de Timoko. Il a tout gagné chez les jeunes et arrive à l’âge de 7 ans avec de réelles chances de victoire dans le prix d’Amérique. A l’image de Toscan, qui avait cet âge quand il s’est imposé dans la course reine en 1970, après avoir raflé tout ce qu’il était possible de gagner à 3 et 4 ans. Aujourd’hui, la comparaison n’est pas encore possible, mais si jamais Timoko franchit la ligne d’arrivée en tête dimanche prochain, forcément on y pensera. Un « spécialiste » des courses de jeunes peut aussi aller gagner le prix d’Amérique à 7 ans, c’est déjà arrivé…

Mack Grace Sm à la manière d’Abano As ?

Vous l’avez lu dans un de l’un de mes récents articles, le concurrents italien Mack Grace Sm est méconnu en France, et en plus il est un spécialiste des courtes distances. Il n’y a pas si longtemps, en 2003, c’était le cas d’un trotteur allemand, Abano As. Dans des conditions exécrables (que de boue ce jour-là !), avec un parcours caché qui lui a permis de surgir au dernier moment et faire parler sa vitesse, il a surpris tout le monde, Général du Pommeau le favori battu (quatrième), Insert Gédé en tête encore si près de la ligne, et les turfistes bien sûr, qui avaient fait bien de cas de cet Allemand. Imaginez que Mack Grace Sm soit préservé pendant le parcours et qu’il puisse faire parler sa vitesse naturelle au dernier moment, et l’histoire se répétera.

Maharajah comme Meaulnes du Corta ?

Maharajah se présente à l’âge de 9 ans au prix d’Amérique après plusieurs essais infructueux, mais aussi un palmarès déjà bien étoffé. C’est dans ces conditions que Meaulnes du Corta a remporté son prix d’Amérique, en 2009. Sur le tard, après des hauts et des bas auparavant. Avec l’expérience, un talent intact, tout est possible. Avec toutefois des nuances, avouons-le, cette comparaison est moins évidente que les précédentes : Meaulnes du Corta était favori de sa course, ce qui sera loin d’être le cas de Maharajah, dont la victoire constituerait tout de même une surprise, nonobstant son talent, et ses gains, garants de grandes possibilités.

Soleil du Fossé, aussi surprenant qu’Oyonnax ?

C’est à l’âge de 8 ans qu’Oyonnax a remporté son prix d’Amérique, en 2010. Le trotteur était alors considéré comme « bon », mais pas de ce niveau. Il était d’ailleurs coté à 173/1 au Pmu ce jour-là, le record pour un vainqueur du prix d’Amérique. Soleil du Fossé est un peu dans le même cas. Lui aussi a 8 ans. On l’a vu faire de belles choses, mais pas face à des adversaires de cette trempe. Il sera totalement délaissé à la cote dimanche prochain. S’il devait gagner, ce serait la surprise du siècle… La deuxième en quatre ans !

Plutôt Triode de Fellière, ou plutôt Roxane Griff dans la foulée de Queila Gédé ?

En 1989, à 7 ans, Queila Gédé a réussi un coup de maître, ou plutôt de maîtresse pour cette jument émérite, au talent fou, mais qui eut le mauvais goût pour sa carrière de tomber face à des adversaires tels qu’Ourasi en fin de carrière, ou Ténor de Baune au début de la sienne. Egalement âgée de 7 ans, Triode de Fellière possède incontestablement un talent de premier ordre aussi, mais n’a pas encore de palmarès en rapport, ayant eu une forte concurrence dans sa génération jusqu’à présent. Elle arrive en grande forme au bon moment, sera déferrée des quatre pieds pour la première fois de sa carrière, et a visiblement des ambitions… Pour mémoire, le palmarès de Queila Gédé, composé de nombreuses courses de groupes, a quasiment débuté avec son prix d’Amérique, autre point commun avec Triode de Fellière qui ne compte que poeu de victoires de prestige pour l’instant à son palmarès. En revanche, une différence entre les deux juments, Queila Gédé était aussi une spécialiste du trot monté… Et là, c’est une autre jument au départ dimanche prochain qui s’en rapproche le plus à ce niveau : Roxane Griff, qui vient de remporter le prix de Cornulier, que s’était également adjugé Queila Gédé, mais après sa victoire dans le prix d’Amérique.

Yarrah Boko, aussi fragile que Eléazar ?

Yarrah Boko n’a pu disputer le dernier prix d’Amérique parce qu’il était blessé. Il a pourtant le talent, puisqu’il a remporté les deux derniers prix de Belgique. Mais sa fragilité l’empêche d’aller plus haut. Il y eut un cas un peu similaire par le passé, celui de Eléazar. Il a dû attendre l’âge de 10 ans pour remporter le prix d’Amérique en 1980. Son palmarès alors était tout de même plus étoffé que celui de Yarrah Boko à ce moment-là, mais lui aussi était passé à côté de sa carrière à cause de problèmes de jambes. Donc tout reste possible, d’autant que Yarrah Boko n’a lui « que » 9 ans.
Voilà, je m’arrête là en termes de comparaisons possibles avec le passé. Ce sont celles qui me sont venues à l’esprit. Il en existe sûrement d’autres, n’hésitez à me les proposer en commentaires à cet article. Et pour plus d’informations sur les trotteurs cités, cliquez sur les tags visibles en début d’article, vous trouverez les sagas détaillées pour la plupart d’entre eux.

Il était une fois Jorky, le surdoué

in des années 1970, début des années 1980, un trotteur a illuminé les hippodromes de France d’abord, puis du monde entier, Jorky. Voici sa saga.
Irrésistible jusqu’à l’âge de 6 ans, malheureusement souvent blessé ensuite mais toujours aussi bon quand il pouvait courir, Jorky est l’un des plus doués des trotteurs de l’histoire de l’hippisme français.
Jorky est né précisément le 4 juin 1975. Ses origines sont fabuleuses. Le papa, c’est Kerjacques, l' »étalon du siècle », dont je vous ai déjà narré la saga (lien en fin d’article). Et la maman, Vanina B. Celle-ci possède à son palmarès plusieurs groupes I, dont les plus prestigieux sont le critérium des 5 ans et le prix de France. Elle a aussi terminé 2e du prix d’Amérique… Leur union n’aurait cependant jamais dû être programmée, en raison d’une incompatibilité sanguine. C’est donc avec un coup de pouce de la nature que Jorky est né, coup de pouce qui, bien sûr, contribue grandement à favoriser une légende… D’ailleurs, au passage, autant il m’arrive habituellement, pour cette rubrique dédiée aux chevaux de légende, de passer du temps à rechercher des sources d’informations, autant en l’occurrence j’en ai passé à lire les innombrables sources, tant Jorky a stimulé les écrits.
Autre originalité de la naissance de notre Jorky, la date, très avancée dans l’année. En tant habituel, les éleveurs font en sorte que leurs poulains naissent en début d’année, en janvier-février, au plus tard en mars, tout simplement pour qu’ils soient compétitifs dès les courses de jeunes. Avoir un poulain né un 4 juin, c’est exceptionnel ! De fait, Jorky ne court pas à 2 ans, et débute en avril 1978, dans une course déjà mémorable : il prend un ascendant « énorme » sur ses concurrents et passe la ligne avec une avance invraisemblable… Du moins, c’est ce que croit son driver, qui s’est trompé d’un tour. Arrêté, Jorky voit tout le peloton le dépasser, alors qu’il avait course gagnée, et très facilement…

Critériums des 3 ans, des 4 ans, des 5 ans, et continental !

Mais rapidement, Jorky va prendre le leadership de sa génération. La façon avec laquelle il remporte le critérium des 3 ans à l’automne 1978, très loin devant ses adversaires, le positionne déjà comme un trotteur d’exception. En 1979, à 4 ans donc, Jorky commence à trouver des tâches plus ardues, il faut parfois rendre 25 mètres. Il continue pour autant à enchaîner les bonnes performances, entre victoires et jolies places derrière des trotteurs partis devant lui. Jusqu’au critérium des 4 ans, disputé le 5 juin, le lendemain de son anniversaire. Il y écrase littéralement l’opposition. A la fin de cette année 1979, Jorky confirme qu’il aime les critériums en remportant le critérium continental. Là encore, à la manière des forts, en partant de loin et en terminant avec de la marge.
1980, Jorky a 5 ans. Léopold Verroken, son entraîneur-driver, possède également dans son écurie Eleazar, 10 ans alors, et préfère courir avec ce dernier le prix d’Amérique, en espérant que l’expérience soit prépondérante. Choix judicieux, puisque Eleazar remporte ce prix d’Amérique, puis le prix de France dans la foulée. Mi-février, une performance de Jorky attire pourtant l’attention : il est au départ du prix de sélection, avec 50 mètres de rendement de distance face aux « jeunes » de 4 ans, mais aussi à poteau égal avec le champion confirmé Idéal du Gazeau, d’un an son aîné. Or, il termine deuxième de cette course, de peu derrière un « jeune », mais surtout devant Idéal du Gazeau ! Quelques semaines plus tard, Jorky est au départ du prix de l’Atlantique, à Enghien, face à un autre champion, Hadol du Vivier. Et Jorky parvient à remporter ce nouveau groupe I, devant le favori de la course. Le 15 mai à Munich, Jorky retrouve Idéal du Gazeau au départ du Grand prix de Bavière, sa première course en dehors de France. Il y termine deuxième, une nouvelle fois devant Idéal du Gazeau. Ce denier prend sa revanche toutefois mi juin dans le prix René Barrière, les deux protagonistes font 1 et 2. Fin juin, Jorky remporte sa première course étrangère à La Haye, le Grand prix des Pays-Bas. Arrive le critérium des 5 ans. Jamais dans l’histoire aucun trotteur n’a réussi à remporter les trois critériums (3, 4 et 5 ans) plus le continental. La pression sur Jorky est d’autant plus forte qu’entre-temps il a trouvé un adversaire contemporain à sa mesure, Jiosco, qui reste sur une belle série. Mais le jour J, ce Jiosco craque rapidement et se montre fautif. De fait, Jorky ne fait qu’une bouchée de ses adversaires et termine à nouveau en tête, et détaché. Il gagne cette course 20 ans après sa mère et 21 ans après son père, et devient ainsi (et c’est toujours le cas aujourd’hui, cet article est écrit en 2013) l’unique trotteur de l’histoire à avoir remporté ces quatre critériums. Jorky termine l’année 1980 avec plusieurs succès, dont le plus prestigieux est le Grand prix des nations, disputé à Milan.

Il gagne tout, sauf le prix d’Amérique

1981, 6 ans. C’est le moment de s’attaquer, enfin, au prix d’Amérique. D’abord avec l’ultime préparatoire, le prix de Belgique, mi-janvier. Jorky y termine deuxième, très près du vainqueur, Ianthin… parti 25 mètres devant lui. Le jour du prix d’Amérique, Jorky est favori. La course se passe de telle façon que Jorky est enfermé dans le peloton. Un incident de course, plusieurs fautifs, il est presque arrêté au moment où Idéal du Gazeau s’échappe pour la gagne. Dans la dernière ligne droite, la remontée de Jorky sur le leader est impressionnante, mais l’exploit était impossible, il terminera deuxième. Jorky remporte toutefois peu de temps après une nouvelle victoire de prestige avec le prix de Paris, alors qu’il était le seul concurrent à rendre 25 mètres au départ. Le 31 mai, il est au départ de l’Elitloppet, LA course de trot de Suède. Jorky la remporte magnifiquement, certes en profitant de la faute du favori, un trotteur américain du nom de Burgomeister. Huit jours plus tard, Idéal du Gazeau, malheureux en Suède, et Jorky se retrouvent au Danemark pour la Coupe de Copenhague, et c’est une nouvelle victoire de Jorky, devant celui qui l’a devancé dans le prix d’Amérique. Un peu plus tard, Jorky revient à Vincennes pour remporter le prix René Ballière. Ensuite, Jorky regagne à La Haye, puis fait sien l’Elite Rennen à Gelsenkirchen.
Arrive alors une course mémorable, une sorte de finale du championnat du monde des trotteurs disputée aux Etats-Unis, à New-York. C’est le Roosevelt International Trot, avec deux concurrents français au départ, Jorky et Idéal du Gazeau, mais aussi des champions du continent américain, et même des Australiens… Jorky y termine deuxième, de peu, de son compatriote. Il y a une revanche, également à New-York, la Challenge Cup. Là, les deux protagonistes français terminent ensemble, sans être séparés dans la victoire, dans un dead-heat mémorable !
Toujours en 1981, année très riche, et après une nouvelle victoire à Munich, Jorky est aligné à Amiens face au champion Iris de Vandel, un trotteur que beaucoup considèrent comme le meilleur, mais qui ne peut courir les meilleures courses du fait qu’il est hongre. L’histoire retient cette course, car elle fut fantastique, bien que ne figurant pas sur les calendriers des courses de pointe. Les deux champions s’y sont en effet tirer la bourre tout au long de la course. En particulier dans la dernière ligne droite, où Jorky sembla d’abord gagner facilement, puis fut rejoint, avant finalement de l’emporter d’une longueur dans un ultime coup de rein. Jorky gagne ensuite le prix de Bretagne
La suite est malheureusement moins joyeuse. Souffrant de problèmes circulatoires au niveau des jambes, Jorky est forfait du prix du Bourbonnais, puis du prix de Belgique en janvier 1982. En 1982, à 7 ans, il sera finalement forfait tout l’hiver, ne disputant pas un prix d’Amérique dont il aurait été l’un des grandissimes favoris. Cette année-là, Jorky ne gagne qu’une course d’envergure, mais quelle course,  la Challenge Cup, à New-York. Les problèmes circulatoires reprennent malheureusement pendant l’hiver. Et l’année 1983, celle des 8 ans, ne lui vaut que quelques sorties en Belgique ou en Allemagne. En même temps, son entourage (son propriétaire et éleveur est Bernard Billard) « profite » de l’inactivité en course pour utiliser l’étalon.
1984, année des 9 ans, dernière année en course. Jorky est engagé pour la deuxième fois de sa carrière seulement au départ du prix d’Amérique. Bien qu’il revienne d’une inactivité forcée, il fait mieux qu’y figurer, il oblige le futur vainqueur, Lurabo, à sortir le grand jeu, en l’attaquant jusqu’au poteau. C’est une nouvelle deuxième place, le prix d’Amérique restera finalement la seule course de haut niveau que Jorky n’aura pas gagnée. Dans le prix de France qui suit, Jorky se blesse. Il ne reviendra plus sur les pistes. En tout, dans toute sa carrière, il y a gagné 8 778 800 francs, soit près d’un million 350 mille de nos euros actuels selon la conversion officielle, mais en fait beaucoup plus compte-tenu de l’évolution du prix des courses depuis 30 ans.
Au haras, il produit de bons trotteurs, mais aucun champion. Et c’est finalement prématurément, à l’âge de 14 ans, que Jorky disparaît, victime d’une rupture d’estomac. Mais quelle carrière, et quelles courses il aura disputées, face aux meilleurs champions de son époque !
Parmi nos chevaux de légende, Cardmania doit tenir une place à part. Né en 1986, il a été placé dans une course à réclamer dès l’âge de 3 ans… Racheté alors, il a connu une seconde carrière flamboyante. Après quelques victoires en quintés, puis un groupe III, il est parti aux States… Où il a été jusqu’à remporter la Breeders’ Cup Sprint en 1993 ! Saga d’une incroyable destinée.
Avant tout, je tiens à remercier Louis, qui m’a donné envie de traiter ce sujet en m’envoyant un mail. Et, effectivement, Cardmania est un cas à part dans l’hippisme, et mérite très largement sa saga dans notre rubrique sur les chevaux de légende.
Nous sommes en 1989. Cardmania n’a encore rien montré d’extraordinaire, il a été castré, puis placé au départ d’un réclamer. Bref, dans son entourage (et pourtant, son entraîneur à l’époque est Criquette Head, première femme entraîneur à avoir remporté un Arc de Triomphe : elle s’y connaît !), on ne croit dans les chances de ce Cardmania. Une course à réclamer, comme vous le savez, chers lecteurs, permet à chacun d’acheter les chevaux concurrents, selon un prix déterminé à l’avance, mais qui peut évoluer en cas d’enchère finale. Et donc, à cette occasion, Cardmania rejoint les boxes de Myriam Bollack-Badel. Là, Cardmania mène une nouvelle carrière, remportant des courses de niveau quinté, et même un groupe III. Il montre donc une certaine valeur.
Cardmania part ensuite aux Etats-Unis. Entraîné dès lors par Derek Meredith et monté par Eddie Delahoussaye, il remporte deux nouveaux groupes III. En 1993, à 7 ans, il est aligné au départ d’un groupe I, la Breeders Cup Sprint, disputé sur 1200 mètres avec virage. Cette course correspond à son heure de gloire. Il y fait littéralement sensation. Je vous mets le lien de la vidéo de cette course en fin d’article, ne vous privez surtout pas du plaisir de cliquer dessus. Cardmania y débute l’ultime ligne droite en 10e position au mieux, et il remonte tous ses concurrents jusqu’à pointer un petit nez en tête au passage du poteau. Formidable !
L’année suivante, à 8 ans, Cardmania remporte un groupe II et se classe 3e de cette Breeders Cup Sprint où il avait brillé. Une fin de carrière flamboyante. Une carrière longue, avec 74 départs, pour 16 victoires et 33 places. Des courses en France, aux Etats-Unis, mais aussi à Berlin ou à Hong Kong… Avec un total de gains légèrement supérieur à 1 500 000 $. Pas mal pour un cheval acheté à réclamer, en son temps, par le créateur de Tennis Magazine, Jean Couvercelle, vous ne trouvez pas ?
L’histoire retient également qu’après une paisible retraite dans une fondation hippique californienne (pas de haras pour l’hongre, évidemment, mais une pension bien choisie pour le champion), Cardmania a disparu de sa belle mort à l’âge 26 ans, début janvier 2012.

Le Paillon, vainqueur en haies… Puis à l’Arc de Triomphe !

C’est un cas unique dans notre histoire de l’hippisme. La même année, en 1947, un cheval a remporté la grande course de haies d’Auteuil, puis le prix de l’Arc de Triomphe en plat quelques mois plus tard. Son nom, Le Paillon. Je vous raconte son histoire.
Le Paillon est né en 1942, en pleine guerre mondiale. Et c’est sans doute là l’une des explications à son incroyable exploit. Certes, vous le savez, certains chevaux de plat se reconvertissent ensuite sur les obstacles. Certains chevaux d’obstacles se révèlent corrects en plat. Mais de là à imaginer un cheval capable de remporter un groupe I dans chaque discipline… Et pas n’importe quels groupes I !
Il faut donc penser au contexte qui a autorisé cet exploit. Cette période sombre l’a été aussi pour notre élevage, les meilleurs étalons français ont été confisqués par l’occupant allemand. Et une jument d’exception comme Corrida, tuée pendant la guerre, n’a pas pu non plus apporter ses gênes au stud book français. De fait, pendant quelques années, la valeur intrinsèque de l’ensemble des galopeurs français s’est trouvée légèrement réduite. Sans réduire la portée de l’exploit de Le Paillon, je pense qu’aujourd’hui ce serait presque inconcevable qu’un cheval gagne la même année la grande course de haies d’Auteuil et le prix de l’Arc de Triomphe. Ça ne viendrait même pas à l’idée d’un entraîneur d’essayer.
En 1947 donc, l’exploit était réalisable. Mais encore fallait-il y parvenir ! Propriété de Lucienne Aurousseau (la famille Aurousseau était spécialisée en chevaux d’obstacles, lisez l’article sur Méli-Mélo, lien à la fin de celui-ci), Le Paillon était entraîné par William Head. Lui aussi un spécialiste des obstacles, puisqu’il était auparavant jockey d’obstacles.
Le Paillon commence donc l’année 1947 sur les haies, il prend la deuxième place de la Coupe des Champions, un groupe I disputé à Cheltenham. De retour en France, il est aligné au départ de la Grande course de haies d’Auteuil, et la remporte (devant Vatelys, le tenant, avec plus de 10 longueurs d’avance !), avec Daniel Guiho sur le dos.
C’est alors que s’opère une tentative insensée. Le Paillon est aligné dans le Grand prix de Deauville, en plat donc ! Et voilà qu’il remporte ce groupe II. Il est donc aligné dans le prix de l’Arc de Triomphe, avec Fernand Rochetti comme jockey. Ce jour-là, le favori, Tourment, ne répond pas à l’attente et termine non placé. Quant à Goyama, deuxième, elle a été victime d’une belle bousculade durant son parcours. Mais qu’importe, c’est bien le nom de Le Paillon qui vient figurer au palmarès du prix de l’Arc de Triomphe ! Il est le premier, et toujours unique à ce jour, cheval d’obstacles à s’être aussi imposé dans le prix de l’Arc de Triomphe !
On peut aussi se demander si la reconversion du cheval n’est pas à l’origine de celle de la famille Head, puisque William Head, l’entraîneur d’obstacles, est le père d’Alec, et le grand-père de Freddy et Criquette, aujourd’hui entraîneurs reconnus de plat…
Un tel cheval, peut-on estimer, aurait dû permettre de reconstruire l’élevage français de galop. L’étalon a certes été utilisé,  je lui ai retrouvé 23 enfants. Mais un seul a perçu quelques gains en course, en Italie. Et finalement, il faut l’avouer, l’étalon fut bien moins surprenant que le cheval de course…

Whipper, l’histoire du sprinter français qui devient étalon international

Au départ du prix du Jockey Club 2013, deux concurrents seront issus de cet étalon au parcours peu banal, Whipper. Elevé aux Etats-Unis, vainqueur de trois groupes I en France, étalon en Irlande puis de retour en France désormais, ce globe-trotter est aussi, à sa manière, un cheval de légende.
 Whipper est né en 2001. Il est élevé en Amérique par la famille Niarchos. Il a des origines extrêmement flatteuses, qui ressemblent étrangement à celles de la championne Divine Proportions, née un an après lui : la même mère, Myth to Reality, elle-même fille du champion Sadlers Wells ; et leurs deux pères sont des frères, Kingmambo pour Divine Proportions et Miesques Son pour Whipper, deux fils des champions Mr Prospector et Miesque. Dans un raccourci familial, les éleveurs ont tendance à dire que Whipper et Divine Proportions sont frère et soeur, ce qui est donc presque vrai…
Pourtant, malgré ce stud book, Whipper n’est que peu considéré lors de sa première vente de jeune poulain. Il est acheté 4 000 $ aux Etats-Unis (une misère !) et revendu presque immédiatement 30 000 $ à Deauville, racheté cette fois par Robert Collet. C’est donc en France qu’il court. Rapidement, il se révèle comme un excellent sprinter, obtenant tous ses résultats sur des distances allant de 1 000 à 1 600 mètres. Il dispute ainsi 19 courses dans sa carrière, remportant six victoires et obtenant deux places. Et parmi ses victoires, trois groupes I (le prix Morny 2003, le prix Jacques le Marois 2004 et le prix Maurice de Gheest 2005) et aussi un groupe II (le critérium de Maisons-Laffitte 2003). En d’autres termes, une belle carrière de coureur de 2 à 4 ans.
Mais c’est ensuite que Whipper devient le plus apprécié. En tant qu’étalon. Après avoir été promené des States à la France, il part cette fois en Irlande. Avant de revenir, voilà peu, en France. Mais ce dimanche à Chantilly, il aura deux fils au départ du prix du Jockey Club 2013, Whillie The Whipper semblant mieux armé que Beyond Thankful. Ces deux 3 ans sont irlandais. Mais je suis sûr que, quelque part, ils savent que c’est en France que le splus beaux succès du paternel ont été remportés. A l’heure où ces lignes sont écrites, Whipper a tout pour plaire en tant qu’étalon, mais il manque encore la confirmation, la « grosse » victoire d’un descendant. Et si c’était pour ce dimanche ?

Relko, la poule d’Essai comme tremplin au Derby d’Epsom

La poule d’Essai des poulains (comme celle des pouliches d’ailleurs) est souvent révélatrice de futurs champions. Parmi eux, Relko a réussi une carrière de toute beauté tant en France qu’Outre-Manche, remportant plusieurs groupes I renommés, dont le fameux Derby d’Epsom.
Relko est né en 1960. Il avait tout pour réussir dès sa naissance compte-tenu de parents exceptionnels. Son père, Tanerko, avait ainsi gagné le grand prix de Saint-Cloud, et était surtout lui-même le fils de Tantième, double vainqueur du prix de l’Arc de Triomphe. Sa mère, Relance, allait se révéler une mère prodigue dans les courses avec trois grands champions : Match II (vainqueur de groupes I en France, Angleterre et même Etats-Unis, accrochant notamment le célèbre King George VI & Queen Elizabeth Stakes), Relko donc, mais aussi Reliance (vainqueur du prix du Jockey Club, entre autres).
Issu de l’élevage de François Dupré, entraîné à Chantilly par François Mathet, Relko allait se révéler rapidement un remarquable compétiteur. Son jockey est le tout jeune Yves Saint-Martin, âgé de 21 ans au moment des plus belles victoires de Relko, en 1963.
Mais c’est dès 1962, à l’âge de 2 ans, que Relko s’est révélé. Il dispute cinq courses cette année-là, et en gagne deux, terminant deux fois deuxième et une fois quatrième par ailleurs. Des résultats encourageants pour le jeune poulain qui lui valent de prendre le départ d’un groupe III dès l’entame de la saison 1963, le prix de Guiche, disputé à Chantilly sur 1800 mètres. Relko le remporte, et prend alors le départ de son premier groupe I, la poule d’Essai des Poulains, à Longchamp.

Triomphe, et rumeurs, à Epsom

Cette nouvelle victoire, et la forme qu’il affiche, encouragent son entourage à l’aligner dans la plus célèbre course britannique, le Derby d’Epsom. Ils sont 26 prétendants au départ, et Relko est désigné favori à la cote de 5/1. La course est menée de main de maître par Yves Saint-Martin, que le monde hippique est en train de découvrir avec ravissement. Jamais loin des premiers, Relko s’envole littéralement sur le final pour finalement terminer avec 6 longueurs d’avance sur ses deux poursuivants immédiats. Un véritable triomphe ! Un triomphe tel d’ailleurs que les rumeurs vont bon train, à tel point qu’il faudra attendre plusieurs mois, et l’automne, pour sa validation : non, Relko n’était pas dopé, différents tests le démontrent !
Mais la réputation est faite. Et lorsque, pour le Derby d’Irlande où il est grandissime favori pratiquement à égalité, Relko est déclaré non partant juste avant le départ, nombreux sont ceux qui colportent la rumeur de la crainte du contrôle antidopage. Officiellement boiteux, Relko ne revient sur les pistes à Longchamp, où il inflige une terrible défaite, dans le prix Royal Oak, à Sanctus, qui avait pourtant gagné le prix du Jockey Club puis le Grand prix de Paris cette saison-là. en revanche, déception dans le prix de l’Arc de Triomphe, où Relko, très agité, ne peut faire mieux que sixième.
En 1964, Relko a 4 ans et poursuit sa carrière de course. Il court à trois reprises, et sera gagnant trois fois, dans des courses réputées : le prix Ganay à Longchamp, la Coronation Cup à Epsom et enfin le Grand prix de Saint-Cloud. Au total, il a disputé treize courses pour en gagner neuf : un palmarès magnifique !
Relko a été classifié par les observateurs anglais « 15e meilleur cheval français du XXe siècle » et « deuxième meilleur gagnant de derby des années 1960 ».
Retiré au haras en Angleterre, Relko a été utilisé à de multiples reprises en tant qu’étalon. Parmi sa progéniture, on note huit vainqueurs de courses de groupes et sept placés de ces mêmes courses. Relko est mort en 1982, à l’âge de 22 ans. Je n’ai trouvé en hommage qu’un seul prix Relko, disputé le 14 juillet à Longchamp, une modeste course A. Il aurait mérité bien mieux…

Buffet II avait les allures d’un prince

Buffet II n’a peut-être pas le palmarès d’un super grand. La faute à une génération de folie, dominée par Bellino II. Mais il fut reconnu par tous comme étant le trotteur le plus stylé, celui qui présentait les plus belles allures. Son jet des antérieurs à chaque foulée, que je n’ai malheureusement pas pu retrouver en vidéo, est resté dans la légende.
« Il avait une façon de lancer ses antérieurs en avant comme un cheval de dressage et c’était quelque chose de magnifique à voir. » Ce témoignage m’a été envoyé par mail par Christiane, une fidèle lectrice que je salue. Buffet II est en effet resté dans les mémoires pour son élégance sur les pistes. Il est né en 1967, il est de la génération de Bellino II, et son style si particulier n’a pas trouvé de successeur.
En 1971, Buffet II a 4 ans. C’est l’heure de ses premières grandes performances. Il termine deuxième du critérium des 4 ans (derrière Beau Rivage et devant Bill D) puis, en fin d’année, il remporte le Critérium continental. En 1972, Buffet II gagne dans le prix de l’Etoile et le prix René Ballière. Dans le critérium des 5 ans, il devance Bellino II, mais termine deuxième derrière Bill D. Et surtout, lors de sa victoire dans le prix René Ballière, Buffet II avait su devancer Une de Mai, star incontestée avant l’avènement du tardif Bellino II. Les observateurs disent de Buffet II qu’il a l’envergure d’un énorme champion. Il y eut même une offre américaine d’un million de dollars (une véritable fortune, encore plus à l’époque !) pour ce tombeur de Une de Mai. Mais l’entourage de Buffet II déclina.
En 1973, Buffet II court son seul unique prix d’Amérique. Longtemps conduit aux avants-postes mais en troisième épaisseur, il s’épuise et ne participe pas à l’emballage final, la victoire revenant à Dart Hanover. Pour autant, son palmarès ne s’arrête pas là, puisque Buffet II gagne cette année-là un deuxième prix René Ballière, ainsi que le prix de Bourgogne et le prix de l’Atlantique. A Enghien, il réussit l’exploit de remonter un handicap de 40 mètres au départ du prix de Washington pour battre Boum de Sassy dans un chrono record pour l’époque. La même année, il remporte encore le prix de l’Europe à Enghien, et le grand prix de Bavière à Munich. Il remporte ainsi le circuit européen.

Triode de Fellière, arrière-petite-fille de Buffet II

La suite de sa carrière de course sera rendue beaucoup plus compliquée par l’avènement de Bellino II. Mais l’histoire de Buffet II se poursuit, au haras, dans le Calvados. Et là, attention, Buffet II est directement à l’origine de plusieurs excellents trotteurs. Si le nom des fils et filles ne vous dira peut-être pas grand-chose, ceux des petits-enfants sont plus marquants : Faro du Houlbet (par Marco Bonheur), Grisbi de Carless (par Turquetil), Iton du Gite (par Riton du Gite), Kiss Melody (sa mère fut Norabelle), Iatka Bocain (par Renoso), Derby du Gite (par Riton du Gite, Derby du Gite étant lui-même père de Ladakh Jiel et de Triode de Fellière), Grace Ducal (fille d’Ultra Ducal, qui lui gagna le prix de France face à Ténor de Baune), Grassano (également Ultra Ducal)… Autant de trotteurs qui ont animé avec bonheur les pelotons et ont remporté de nombreuses courses. En particulier, Triode de Fellière, qui vient d’être jugée digne de participer au prix de France 2013 face aux tout meilleurs, a franchi plusieurs paliers récemment et peut tout à fait rendre hommage à son aïeul par une victoire de grand prestige dans un avenir proche.
 Buffet II a disparu en novembre 1989, mais il n’a pas fini de faire parler de lui !